Quelques mois après l’épopée des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, la revue Regards croisés sur l’économie choisit d’explorer la sphère sportive dans un numéro intitulé « Le sport en jeu ». L’événement planétaire de l’été 2024 a en effet rappelé, s’il en était besoin, que le sport est un objet protéiforme : il n’est pas réductible à une course aux médailles entre nations ou à une quête d’épanouissement personnel par la performance physique. Il repose aussi sur une marchandisation capable de générer à la fois d’importants revenus et de profondes inégalités, et une politisation croissante.
Dans ce trente-cinquième numéro, la revue semestrielle éclaire plusieurs facettes de ce « jeu » d’interdépendances. Sous la plume de Manuel Schotté, professeur de sociologie à l’université de Lille, elle examine la figure du champion : il est perçu comme un individu exceptionnel par ses qualités naturelles ou son engagement, alors qu’il doit une large part de sa réussite à des déterminismes socio-économiques, comme l’accès aux dispositifs de fabrique des élites sportives. Le chercheur observe qu’aux Jeux olympiques de Tokyo, en 2021, les deux pays qui ont remporté le plus de médailles d’or étaient les deux principales puissances économiques mondiales, les Etats-Unis et la Chine.
Outil managérial
Si plusieurs sports – de la boxe à l’alpinisme – sont scrutés par les contributeurs de cette publication pluridisciplinaire, l’un retient particulièrement l’attention du monde académique, sans doute parce qu’il concentre beaucoup d’acteurs et d’intérêts contradictoires : le football. Dans un passionnant article, « Pourquoi les footballeuses gagnent moins que les footballeurs », Luc Arrondel, directeur de recherche en économie au CNRS, et Richard Duhautois, chercheur au Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l’action, retracent le parcours chaotique de la pratique féminine du football.
Les premières rencontres – en 1881, entre l’Ecosse et l’Angleterre – consistaient en des opérations commerciales invitant à voir des femmes jouer à un « jeu d’hommes ». Mises à l’écart des terrains en tant que pratiquantes, elles ne sortent de l’anonymat que dans les années 1960 et devront patienter encore cinquante ans avant de pouvoir s’ouvrir au professionnalisme. Aujourd’hui, si l’écart entre hommes et femmes demeure élevé, que ce soit au niveau des budgets des clubs ou des salaires, les perspectives de croissance penchent en faveur de ces dernières. A titre d’exemple, les droits télévisuels du championnat féminin allemand ont augmenté de 417 % en 2023.
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Source du contenu: www.lemonde.fr