Elle rit aux éclats en savourant son succès : « Je n’y crois pas, je n’y crois pas ! » Sur la ligne d’arrivée, Oksana Masters exulte en reprenant son souffle. Autour de son handbike, un tricycle entraîné par la force des bras, on se bouscule pour la féliciter. Sont présents des journalistes, les membres du Team USA et « la personne la plus importante au monde », sa mère adoptive. Un jour après avoir gagné le contre-la-montre, l’Américaine a remporté la course en ligne des Jeux paralympiques, jeudi 5 septembre, une épreuve d’environ 57 kilomètres autour de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Sur une chaussée rendue très glissante par les averses tombées dans la matinée, la cycliste a tracé sa trajectoire et gardé son équilibre, à l’image de sa vie. Oksana Masters compte désormais 19 médailles paralympiques, dont 9 en or, dans quatre disciplines différentes. A 35 ans, l’Américaine, mise à l’honneur pendant la cérémonie d’ouverture, fait honneur à son statut de légende du sport. Son destin ressemble à un scénario d’Hollywood.
Oksana Alexandrovna Bondarchuk est née à Khmelnytskyï, une ville ukrainienne située à environ 400 kilomètres de Tchernobyl. En 1989, trois ans après la catastrophe nucléaire, elle vient au monde avec plusieurs malformations congénitales, certainement liées aux radiations. Ses jambes, dépourvues de tibia, n’ont pas la même longueur et ses pieds ont six orteils. Quant à ses mains palmées, elles n’ont pas de pouce.
Abandonnée devant un orphelinat, la future cycliste est ballottée entre différents établissements. Dans le dernier, qu’elle fréquente de 1994 à 1996, elle est violée à l’âge de 5 ans.
Le sport sera son salut
Aux Etats-Unis, une professeure rêve à la même époque d’adopter un enfant. « J’étais une mère célibataire et, à 30 ans, j’ai compris que je voulais un bébé, relate Gay Masters dans le documentaire A corps perdus, réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlay. J’ai eu la chance de rencontrer une personne qui m’a transmis une photo en noir et blanc d’Oksana… Je l’ai regardée dans les yeux et je me suis dit : « C’est ma fille ! » Je n’avais pas peur de ses doigts collés. »
Oksana a 8 ans lorsqu’elle débarque à Buffalo dans l’Etat de New York. Un mois et demi plus tard, un médecin explique à Gay Masters qu’il faut amputer sa fille car ses jambes sont de plus en plus douloureuses et de moins en moins capables de supporter son poids. A 9 ans, sa jambe gauche est coupée au niveau de la cuisse. La droite suit quatre ans plus tard. L’athlète se souvient : « J’étais traversée par tellement de rage et de colère. »
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