Sanofi cèdera sa filiale produisant le Doliprane au plus tôt au dernier trimestre de cette année 2024. Treize sites de production sont concernés, dont deux en France. Une opération financière estimée à plus de 15 milliards d’euros qui aura des conséquences sur l’approvisionnement de médicaments, mais aussi les emplois en France.
Sur le site de Lisieux, en Normandie, un million de boîtes de Doliprane est produit chaque jour grâce à 250 salariés. Des salariés qui craignent, que tout s’arrête. « On ne sait pas ce qu’on va devenir, confie Frédéric Devede, informaticien à Sanofi depuis 17 ans. J’ai une femme et un enfant, comme tout le monde, j’ai un prêt immobilier que je dois rembourser, donc le moral ne va pas bien du tout. On va potentiellement avoir des annonces en septembre ou en octobre. On attend de savoir par qui on serait susceptible d’être racheté. »
Sûrement par des fonds d’investissement étrangers. Les employés seraient alors tranquilles pour cinq ans avant d’être à nouveau revendus. Délégué syndical, Johann Nicolas est inquiet, énervé aussi. La filiale engrange, à elle seule, 5 milliards d’euros par an, soit 12% du chiffre d’affaires de Sanofi : « C’est ça qui est complètement incompréhensible. On rapporte quand même de l’argent à Sanofi et au final aux actionnaires, derrière, aussi. »
Mais pas assez pour la société. Sanofi préfère miser sur des secteurs plus rentables comme les vaccins ou les traitements innovants. Un changement de stratégie, opéré il y a cinq ans, par son nouveau patron, le Britannique Paul Hudson. Depuis, Frédéric Devede ne reconnaît plus son entreprise : « Ce n’est plus le patient, c’est un consommateur. On est en train de changer de philosophie. Nous, on n’a pas l’habitude de ça. Nous, on est fiers de ce qu’on fait, on produit des médicaments et on aide de la population. »
Un virage d’autant plus étonnant que le président Emmanuel Macron juge le secteur pharmaceutique stratégique. Il le répétait encore il y a un an lors d’un déplacement dans un laboratoire en Ardèche : « Ce domaine, celui des médicaments, c’est l’un des secteurs pour lequel la perte de souveraineté est la plus intolérable. »
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Avec cette vente, la filiale de Sanofi pourrait passer sous pavillon étranger. Ce qui n’est pas sans risque, selon l’économiste de la santé Frédéric Bizard : « Le risque de pénurie augmenterait pour la France par rapport à la situation actuelle, parce que la France a des prix de distribution plus faibles que les autres pays européens. Et donc, on peut penser que les fonds d’investissement vont vouloir rentabiliser au maximum cette filiale. Et pour augmenter les marges de cette filiale, eh bien, il faut prioriser les pays qui ont des prix les plus élevés. »
Ce qui n’est pas le cas de la France. Résultat : « Il y a un risque véritablement que la France soit servie après. » Et ce n’est pas le seul danger : « Parce qu’il n’y a pas de remboursement par la Sécurité sociale, clairement les prix vont augmenter. C’est même quasi mécanique, parce que, encore une fois, ces fonds sont là pour maximiser leurs profits. »
La cession de sa filiale grand public est prévue au plus tôt au dernier trimestre de cette année. Parmi les acheteurs potentiels, le fonds américain Advent qui a déjà racheté à Sanofi plusieurs de ses activités.
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